À cet instant, la voix de Donald Trump résonne probablement dans votre tête, lui qui a imposé ce terme dans le débat public dès 2016. Internet et les réseaux sociaux ont donné aux entreprises de désinformation un écho et une visibilité sans précédent.
Sur nos fils d’actualités, les contributions des internautes lambda occupent le même espace que celles des agences de presse et des médias professionnels. Chaque minute, cinq cents heures de vidéos sont uploadées sur YouTube. Apprendre à faire le tri entre informations fiables et infox – contraction « d’information » et « d’intoxication » –, rumeurs et canulars s’est complexifié. La majorité des adolescents s’informent via les réseaux sociaux et sont donc particulièrement exposés et vulnérables. Pour autant, ils ne sont pas forcément les plus crédules : les internautes les plus âgés et les plus politisés partagent sept fois plus de fausses nouvelles sur le réseau social Facebook que les jeunes de 18 à 29 ans (voir A. Drew, J. Nagler et J. Tucker, « Less than you think: Prevalence and predictors of fake news dissemination on Facebook », Sciences Advance, 9 janvier 2019).
Le démenti étant toujours moins percutant que la calomnie, les conséquences sociales, politiques, sanitaires, économiques de la manipulation de l’information sont devenues une obsession contemporaine. La défiance vis-à-vis des instances officielles du savoir, du pouvoir et de la science s’est généralisée. À l’ère de la post-vérité, quand les croyances priment sur les faits, comment trouver l’antidote qui redonnera le goût du vrai ?
L’épidémie de fausses informations s’est accélérée avec la crise sanitaire, qualifiée « d’infodémie » par l’Organisation mondiale de la santé. Comment y faire face et aider les citoyens à aiguiser leur esprit critique ?
L’exposition « Fake news : art, fiction, mensonge » : la voix des artistes
L’exposition « Fake news : art, fiction, mensonge », présentée du 27 mai 2021 au 30 janvier 2022 à l’Espace Fondation EDF à Paris, fait justement le pari que les artistes peuvent nous accompagner et nous outiller pour regarder le monde différemment et nous protéger de nos éventuelles dérives. Ainsi l’artiste espagnol Joan Fontcuberta en produisant, sans le dire, des photographies de sublimes mais faux paysages, teste la crédulité du public. À chacun de se renseigner pour se rendre compte que ces contrées n’existent pas et qu’elles sont le produit d’un logiciel. « Mon travail est comme un virus que j’inocule pour générer des anticorps… je ne sais pas combien de temps ça prend pour que les gens soient vaccinés. » Par exemple, dans l’œuvre exposée dans cette exposition, Orogenesis (2002), il explore la crédulité du public pour qui la photographie devrait forcément refléter la réalité.
Inoculer le virus du faux pour dévoiler le vrai… Voilà une belle mission pour un artiste !
Dans l’exposition, chacun, à sa manière, nous parle du rôle des médias, d’internet, des réseaux sociaux, du flux d’informations et d’images toujours plus intense. Les artistes invités interrogent l’omniprésence des médias qui ont, de fait, le pouvoir de façonner notre vision du monde. Ils nous invitent à prendre de la distance par rapport à ces contenus qui nous alimentent jour après jour, jusqu’à saturation.
Et c’est par l’œuvre d’art, par la production d’un objet visuel inédit, mobilisant les sens et les émotions, irréductible à une seule thèse ou interprétation, que les créateurs nous interpellent et nous alertent. Ils ont ainsi une place à part, aux côtés des chercheurs, enseignants ou journalistes qui, eux, s’appuient sur des discours et des argumentaires rationnels.
Une approche pluridisciplinaire
L’objectif de ce dossier est d’accompagner l’exposition « Fake news : art, fiction, mensonge », et de proposer aux enseignants des ressources utiles et des activités pédagogiques. Ces œuvres questionnent notre rapport à la vérité et à nos croyances, elles jouent avec la complexité du réel.
« L’image artistique » est abordée dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle (EAC), qui comprend notamment l’enseignement du cinéma. « L’image médiatique » est disséquée, quant à elle, à travers l’éducation aux médias et à l’information (EMI), souvent associée à l’enseignement moral et civique. L’EMI permet notamment aux élèves d’apprendre à s’informer pour comprendre le monde et se forger une opinion pour devenir des citoyens libres et éclairés. L’approche interdisciplinaire développée dans ce dossier jette un pont pour relier ces deux axes (EMI/EAC) et s’inscrit à la confluence de trois mondes : l’art, l’information et l’éducation.
Cette approche nous a permis de décloisonner nos perspectives pour ouvrir un espace de réflexion commun et inédit. Pour répondre aux défis démocratiques majeurs du XXIe siècle, nous partageons cette ambition : le développement de l’esprit critique… et c’est tout un art !
En suivant le parcours de l’exposition, le dossier abordera d’abord la fabrication des fake news : de quoi s’agit-il exactement ? Les artistes fabriquent-ils des fake news ? Dans une deuxième partie, on abordera la question de la diffusion des fake news et notamment le pouvoir des images en la matière, avant de chercher, dans la troisième partie, à dégager des solutions pour s’en prémunir, en classe ou ailleurs.
Virginie Sassoon et Juliette Le Taillandier de Gabory
L’EMI est dans les programmes
L’éducation aux médias et à l’information (EMI) est présente tout au long de la scolarité des élèves, de l’école primaire à la terminale. De nombreux programmes d’enseignement offrent la possibilité de faire de l’EMI, notamment d’étudier le phénomène des fake news avec les élèves.
En cycle 3
Pour accompagner la mise en œuvre de l’éducation aux médias et à l’information, le Conseil supérieur des programmes a travaillé à des orientations en EMI permettant de guider le travail des équipes pédagogiques aux cycles 2 et 3, en cohérence avec le programme de cycle 4.
En cycle 3, il est recommandé de développer des aptitudes à la réflexion critique chez les élèves par un travail sur le jugement (Identifier les informations et utiliser son esprit critique ; Penser par soi-même et avec les autres – enseignement moral et civique), en s’exerçant à comprendre des textes, des documents et des images et les interpréter (français).
En cycle 4
L’EMI, présente dans tous les champs du savoir transmis aux élèves, est prise en charge par tous les enseignements. Tous les professeurs, dont les professeurs-documentalistes, veillent collectivement à ce que les enseignements dispensés en cycle 4 assurent à chaque élève :
– une première connaissance critique de l’environnement informationnel et documentaire du XXIe siècle ;
– une maîtrise progressive de sa démarche d’information, de documentation ;
– un accès à un usage sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion.
Il s’agit de faire accéder les élèves à une compréhension des médias, des réseaux et des phénomènes informationnels dans toutes leurs dimensions : économique, sociétale, technique, éthique. Les élèves sont formés à une lecture critique et distanciée des contenus et des formes médiatiques.
Au lycée
Dans les nouveaux programmes du lycée, la thématique de la désinformation et la question des fausses informations est évoquée dans de nombreux programmes.
– programme d’enseignement moral et civique (EMC) de première et de terminale des voies générale et technologique ;
– programme d’enseignement scientifique de première générale ;
– programme d’histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques de première générale ;
– programme de langues, littératures et cultures étrangères en terminale ;
– programme de sciences de la vie et de la Terre de terminale générale ;
– programme de spécialité d’arts de terminale générale.
Dans la voie professionnelle :
– en français, en classe de seconde professionnelle et de CAP ;
– en EMC, dans les classes de CAP ;
– en langues vivantes, pour les classes préparant au baccalauréat professionnel et les classes préparant au CAP.
À noter
Le CLEMI a mené un travail de repérage de connaissances et de compétences, ainsi qu’un travail de synthèse pour permettre aux enseignants de s’engager dans une démarche ÉMI en lien avec les programmes.
Les textes officiels
Bulletin officiel spécial n° 2 du 26 mars 2015 (PDF, 167 ko) pour le programme d’enseignement de l’école maternelle (cycle 1)
Bulletin officiel n°31 du 30 juillet 2020 pour les programmes d’enseignement du cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2), du cycle de consolidation (cycle 3) et du cycle des approfondissements (cycle 4)
Bulletin officiel spécial n° 1 du 22 janvier 2019 pour les programmes de seconde et première de lycée général et technologique
Bulletin officiel spécial n° 8 du 25 juillet 2019 pour les programmes de terminale de lycée général et technologique
Bulletin officiel spécial n° 5 du 11 avril 2019 pour les programmes de lycée professionnel