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L'euro fait-il le bonheur

31 décembre 2001- minuit, la France abandonne le franc. Comment ce passage à l'euro a-t-il été perçu par les élèves de l'époque ? Plongeons-nous dans les archives des médias scolaires.

Ce soir-là, à minuit, le petit Rafaël, 10 ans, se rend spécialement à la poste du Louvre afin de faire un reportage photo pour le journal de sa classe “Qui veut gagner des infos”. L'œil bien aiguisé, il photographie les billets bien sûr, mais aussi la file d’attente des impatients et l’horloge marquant minuit passé de quelques minutes.

 

 

La vocation déjà chevillée au corps, la démarche est pour le moins prometteuse : on retrouve Rafaël Yaghobzadeh 20 ans plus tard, appareil en bandoulière, avec, à son actif, plus d’une demi-douzaine de prix qui émaillent sa carrière de photographe de presse et reporter de guerre. Il nous raconte dans cette vidéo les coulisses de ce reportage.

«Tchao le franc ! Salut l’euro !»

Ce titre de l’édito du n°16 du Journal des jeunes, fait par les clubs de 4 collèges de l’académie de Grenoble au centre social de Roussillon (38), résume bien le sentiment de transition qui habite tout un chacun. Comme les adultes, les jeunes s’inquiètent de l’augmentation des prix: «Depuis le 1er janvier 2002 on peut payer ses bonbons en euro. Ceux qui coûtent 10 centimes de francs (les petits en forme de bouteille de coca) vont coûter 0,02 centimes d’euro soit 13 centimes de francs. C’est de l’arnaque ! Au lieu d’arrondir au plus bas les prix ont été arrondis au plus haut».

Même constat dans Sac’Ados, le journal du collège Val-De-Rance à Plouër-sur-Rance (22): après avoir comparé l’évolution des prix sur «la machine à boissons et à bonbons du collège», Yannick de 3eA conclut : «nous pouvons constater que les prix en euros de la machine à bonbons et à boissons ont augmenté un tout petit peu, car une simplification des prix s’imposait afin de préserver l’accès rapide à la machine pour tous les élèves.» De façon très pertinente, l’élève questionne: «Mais qu’en sera-t-il ailleurs?»

Mais ce qui inquiète les élèves, en plus de l’augmentation des prix, ce sont les calculs compliqués auxquels ils vont devoir se livrer. Le dessin de Valentin en une d’Ereakiri, le journal de l’Établissement Régional d'Enseignement Adapté de Redon (35), montre un personnage perdu dans des calculs compliqués. Et c’est bien ce qu’exprime aussi Hervé dans l’édito attenant : «L’Euro est une monnaie difficile à compter car 6,55957 Francs font 1 Euro. Les anciens se perdent avec le nouveau Franc et l’Ancien Franc, alors avec l’Euro, c’est pire!»

«Vous voyez c’est simple!»

Pour pallier ces inquiétudes, les élèves ne manquent pas de ressources. Les élèves de 4eA et 4eB du collège Simone Veil à Bourg-Achard (27) dressent en une de leur journal, Les Accrocs du stylo, une liste intitulée «Repères des tarifs pratiqués au collège» et une infographie pour reconnaître les nouveaux billets et pièces.

Dans L’Echo des Ados, le journal du collège Jules Michelet à Creil, les jeunes journalistes proposent, dans le n°4 de décembre 2001, un tableau avec les prix de leurs objets préférés : histoire de savoir combien coûtent désormais “une petite souris en peluche”, “un stylo pailleté”, un “CD 2 titres” et “votre argent de poche”.  Et comme «ce n’est pas pratique de se balader avec un convertisseur», Audrey donne un truc aux lecteurs : «Prenez un nombre, par exemple 100, additionnez la moitié = 150, divisez par 10 = 15. Résultat 100 frs = environ 15 €. Vous voyez c’est simple!»

 

 

 

 

«Vive l’euro!!! Vive l’unicité de l’Europe!!!»

 Ce changement de monnaie suscite aussi espoir et enthousiasme chez les élèves. Alex s’exclame, en une du journal Mag’Verne du collège Jules Verne de Rueil-Malmaison (92) : «Vive l’euro!!! Vive l’unicité de l’Europe!!!» Solène indique que «ce sera plus facile pour partir à l’étranger». Et Laure-Marie a cette jolie phrase: «Les pièces sont plus jolies, on dirait des pièces en chocolat!»

Quant aux journalistes de l’Echorentin, du collège Jean Corentin Carré du Faouët (56), ils ne manquent pas d’humour et créent à cette occasion une rubrique “Blagues” spécialement dédiée à l’euro: 

 «- Dans 100 jours, fini les francs. Convertis en €uro, ça fait 15,24 jours.»

Mais ce qui frappe surtout dans ces archives c'est la facilité avec laquelle les élèves se projettent dans cette nouvelle ère. Dans Mots d'ados, le journal du lycée Faustin Fléret de Morne à l'eau (Guadeloupe), Samina de 1ère STTG2 propose un dessin mettant en scène une femme qui est définitivement passée à l'euro et ne veut plus des francs que le marchand cherche à lui donner. Pour elle qui s'exprime en créole, le franc est bel et bien révolu !

 

 Traduction: «5 francs??? Ne me remets pas ton vieil argent. Maintenant c'est l'euro, monsieur. L'euro!!!»

Au-delà de toutes les contingences matérielles et de la question économique, les élèves ont bien compris les objectifs de cette monnaie unique dans la construction européenne : favoriser la stabilité politique et installer durablement la paix entre les peuples d'Europe. Dans Gari'news, le journal du collège Garibaldi d'Aix-les-Bains (73), Simon crée une BD dans laquelle il invente une nouvelle monnaie pour succéder à l'euro, "l'Eupaix", "qui symbolisera la paix dans le monde entier". Avec un humour potache, cet élève montre qu'il a tout de même parfaitement compris les enjeux de la nouvelle monnaie: créer une zone monétaire solide afin d'instaurer une union politique propice à la paix.

  

Recherche documentaire: Christelle Loigerot, professeure des écoles

Rédaction: Maud Moussy, professeure de lettres et formatrice CLEMI