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Le circuit de l'info : contraintes, complexité, vitesse et concurrence

  • Fiche info, parue dans le dossier de la Semaine de la presse 2016
Le circuit de l'information s'est modifié dans sa structure pour favoriser l'intensification et l'accélération du flux informationnel. Les médias d'information sont soumis à de fortes contraintes (économiques, culturelles et politiques). Ils doivent également répondre à des injonctions paradoxales : assurer autant la quantité que la qualité de l'information, et garantir le processus de construction de l'information en la diffusant au plus près d'un « temps réel ». Des défis difficiles à relever.

Le fonctionnement de l'information médiatique

Nombre de médias français suivent encore le fonctionnement clas­sique : guetter la publication de dépêches de l'Agence française de presse (AFP) pour relayer les plus intéressantes. Tandis qu'une dépêche est publiée en moyenne toutes les 10 secondes, seulement 50 % des dépêches sont jugées « d'importance » et sur une journée par exemple, les journaux télévisés ne relayeront qu'une quinzaine d'informations « chaudes ». Cependant, les médias exercent désor­mais une veille attentive sur ce qui se publie à l'international sur le web et sur les réseaux sociaux numériques afin de ne pas rater une information importante, non encore relayée par l'AFP.

La qualité de l'information : un gage de confiance

Une exigence fondamentale du fonctionnement de l'information médiatique réside dans le traitement des sources de l'information. Tout journaliste se doit de vérifier et recouper les sources, afin d'éviter le « dérapage » ou « l'intox ». Par exemple, l'année 2015 a connu plusieurs dérapages médiatiques le plus souvent dues à des négligences dans le traitement de la source (comme l'annonce de la mort de Martin Bouygues faite par l'AFP, suite à une erreur de patro­nyme), qu'à de véritables intentions de tromper. Des négligences qui peuvent jeter un certain discrédit sur des « institutions » média­tiques et sur la profession elle-même. Toutefois, dans l'ensemble les Français font plutôt confiance aux médias pour restituer une infor­mation, en étant conscients toutefois des risques d'approximation et des dépendances économiques et politiques des journalistes*.

Les contraintes d'un marche « hyper » concurrentiel et l'interférence des réseaux sociaux numériques

Les différents canaux médiatiques de presse écrite, radio, télévi­sion et sites web d'information se livrent une lutte acharnée. Ils restent très fréquentés par le public français : surtout la télévision qui reste le support privilégié pour plus de la moitié des Français interrogés. Ces médias remportent un niveau de confiance élevé mais pas total (58 % pour la presse, 57 % pour la TV et 63 % pour la radio). L'évolution des médias et l'arrivée d'internet ont cependant définitivement perturbé le jeu médiatique et l'adage « la radio an­nonce l'évènement, la télévision le montre et la presse l'explique » n'a plus beaucoup de sens face à la pluralité et l'hybridation des genres médiatiques présents, sur tous les supports. Désormais, les chaînes d'info continue de TV ou de radio et des sites web annon­cent l'information sans discontinuer ; la presse gratuite n'explique pas grand-chose... Pourtant, même si les supports web (sites des médias et des médias alternatifs) apparaissent comme des sources d'information de plus en plus importantes, ils ne génèrent pas pour autant la confiance du public (seulement 39 % des Français esti­ment les informations diffusées fidèles à la réalité).

À présent, le marché de l'information est soumis à une autre concur­rence. D'autres supports apparaissent comme des sources à part entière : les réseaux sociaux numériques (RSN) qui diffusent de l'information au sein de groupes sociaux parfois rétifs aux médias traditionnels (les jeunes, par exemple) et qui autorisent tout un chacun à produire de l'information, ou quelque chose qui y res­semble comme à de la rumeur. Les médias se sont toutefois appro­priés ces RSN, comme le réseau Twitter par exemple, avec un nombre croissant d'abonnés aux comptes de titres de la presse quotidienne nationale. De fait, le flux d'informations permanent et accéléré néglige le travail chronophage de vérification des sources. La dif­fusion de l'information médiatique s'effectue désormais de plus en plus via d'autres intermédiaires. La course au scoop s'est intensifiée et la dictature du temps réel règne en maître : il faut diffuser tou­jours plus vite l'information « brûlante », presque instantanément, en prenant de moins en moins le temps de la travailler.

La question de l'éthique journalistique

Les médias et les RSN ne fonctionnent pas selon les mêmes règles économiques, politiques et culturelles. « Censure » et « éthique » y résonnent de façon différente. Les RSN exercent une pression sur la vitesse de diffusion de l'information qui pousse parfois des pro­fessionnels à ne plus respecter les règles du journalisme, voire à outrepasser des obligations légales (cf. le délit de fausse nouvelle de la loi sur la presse de 1881 et l'ordonnance du 6 mai 1944). Cer­tains journalistes sont tentés de se livrer à des « bidonnages » bien condamnables mais très peu souvent condamnés (par le CSA, par exemple) afin d'augmenter leur audience, « faire le buzz » : source non vérifiée, informations fantaisistes, faux témoignages, retouche d'images, etc. Les évènements de janvier 2015 ont également fait ressurgir des questions d'ordre moral : où s'arrête la liberté d'une presse qui n'hésite pas à livrer au grand public (ainsi qu'aux ter­roristes) des informations sensibles (par exemple la position des forces de l'ordre), ignorant les risques : la mise en danger de la vie d'autrui (celle d'otages cachés, de policiers en approche, voire de reporters sur le terrain).

* Baromètre de confiance dans les médias 2015, TNS-Sofres.

Isabelle Dumez Féroc, maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication à l'université de Poitiers.