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Liberté d'expression, liberté d'information

  • Fiche info, parue dans le dossier de la Semaine de la presse 2015
Chaque citoyen ou groupe peut et doit s'interroger sur la façon dont il est informé. C'est une des conditions de la démocratie. Ces dernières années, ces légitimes questionnements ont tourné à la mise en accusation systématique. Souvent en mélangeant beaucoup de choses, par calcul ou par ignorance. Ainsi liberté d'expression et liberté d'information.

EXPRESSION ET INFORMATION

La première notion est clairement définie dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ») et dans l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 (« Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ») comme le droit de l'individu à exprimer une opinion. Mais être journaliste ce n'est pas simplement user de cette liberté d'expression. C'est prendre la parole dans un espace social, en respectant des valeurs qui sont la recherche de la vérité, l'exactitude, l'indépendance, l'impartialité, le respect du public et la responsabilité. Cela exclut du champ journalistique rumeur, spéculation, désinformation, qui en revanche font les belles heures des libres expressions. « Les faits sont sacrés, les commentaires sont libres », nous rappelle la maxime de Beaumarchais.

FAITS ET OPINION

La distinction entre faits et opinions est essentielle, comme le soulignait Hannah Arendt : « Les faits sont les matières des opinions, et les opinions, inspirées par différents intérêts, et différentes passions, peuvent différer largement et demeurer légitimes aussi longtemps qu'elles respectent la vérité des faits » (La Crise de la culture, 1961). Certains invoquent le pluralisme pour justifier leur colère. Là aussi, les contresens abondent. Le pluralisme n'est pas l'expression dans un même titre de toutes les opinions. Il est dans la plus grande diversité possible des sources accessibles pour le public. Il est ainsi mieux assuré dans le paysage audiovisuel depuis la fin du monopole de diffusion (1982). La loi charge le CSA de favoriser une offre pluraliste à travers l'attribution des autorisations d'émettre. Les conventions ou cahiers des charges des diffuseurs reprennent de façon plus ou moins impérieuse cette notion. À titre d'exemple, le cahier des charges de Radio France lui fait un devoir d'« assurer l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion [...] et l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information » (article 4). Et encore cela ne signifie-t-il pas qu'il faille ouvrir l'antenne à n'importe quel propos : certains ne sont pas des opinions, mais des délits définis par la loi.

INFORMATION ET COMMUNICATION

Il faut aussi distinguer information et communication. Les lignes bougent partout et le mélange des genres gagne. Plus que jamais information et communication doivent être clairement séparées. L'une et l'autre portent des faits à la connaissance du public. Pour la première, dans le seul but d'informer ce public de la façon la plus neutre et la plus complète possible, afin qu'il se fasse sa propre opinion. Pour la seconde, dans un but intéressé, électoral, d'influence. La communication sert un intérêt particulier quand l'information est au service de l'intérêt général.

LIGNE ÉDITORIALE VERSUS DÉONTOLOGIE

Il y a souvent confusion entre ligne éditoriale et déontologie. L'accusation de non-respect de la déontologie est à la mode. Homme politique confronté à un sujet délicat voire objet d'une enquête, citoyen choqué par le contenu d'un journal télévisé, commentateur d'un article en ligne en désaccord avec ce qu'il vient de lire, tous ont facilement le rappel à l'ordre déontologique à la bouche ou sous la plume. Mais bien souvent, il n'y a pas viol des règles professionnelles du journalisme. Il s'agit plutôt de l'expression de la ligne éditoriale du journal, c'est-à-dire du libre choix pour une rédaction de traiter tel sujet sous tel angle et de s'abstenir de traiter tel autre. Il est parfaitement loisible de dénoncer ce choix, et d'argumenter pour critiquer cette ligne éditoriale. Chacun le fait au nom de ses propres choix, qu'il doit assumer sans avoir besoin d'invoquer la déontologie du métier de journaliste.

Certains estiment même que les médias n'informent pas les citoyens de la réalité du monde, qu'ils sont les « chiens de garde » d'un système global qu'ils combattent. D'où leur critique, parfois radicale, du contenu des médias. Cette approche va le plus souvent au-delà du rappel de règles déontologiques. Elle relève d'une lecture politique de la société et de ses acteurs qui est, qu'on la partage ou pas, légitime.

Pierre Ganz, in Le Bulletin de l'APCP (Association de préfiguration d'un conseil de presse en France), 2 avril 2014