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ZAKARIA ABDELKAFI, CRS EN FEU LORS D’UNE MANIFESTATION, PARIS, 1ER MAI 2017

LE PHOTOGRAPHE

Zakaria Abdelkafi, militant syrien de la résistance civile depuis le début de la guerre dans son pays, se forme à partir de 2013 pour devenir reporter de guerre et témoigner des événements et des crimes de guerre se déroulant en Syrie. Il devient photographe, réalisateur et pigiste local pour différentes agences de presse étrangères (voir son témoignage dans le 28' d'Arte du 4 mars 2016). Victime du tir d'un sniper de l'armée, il a perdu un œil au cours d'un combat qu'il couvrait à Alep. Arrivé à Paris en décembre 2015 pour s'y faire soigner, il y réside et travaille pour l'AFP.
A voir : son portrait et son compte Instagram.

LA PHOTOGRAPHIE

Paris, le 1er mai 2017, un policier visé par un cocktail Molotov se transforme en torche vivante, AFP PHOTO/ Zakaria Abdelkafi

Pour aller plus loin : témoignage du photographe et making-of de l'AFP

Usages médiatiques de cette photo

Le cliché du CRS en feu, dont l’auteur est le photographe de l’AFP Zakaria Abdelkafi, a fait la "Une" de très nombreux journaux étrangers nord-américains (New York Times, Financial Times, Wall Street Journal, Le Devoir québecois) ou européens (quotidien espagnol El País, Le Monde et, Ouest France en France), et a été également très reprise sur les réseaux sociaux (Twitter)

Ce cliché a aussi été utilisé dans un communiqué de la Préfecture de Police de Paris (sans auteur, ni titre, ni légende) pour sa communication sur les réseaux sociaux en particulier.

Une recherche sur les organes de presse qui ont publié cette photographie et sur les textes qui l’accompagnent (comparer les différents titres et légendes par exemple), permet de réfléchir à l'utilisation et à l'instrumentalisation des images.

Le contexte

Quelques articles de presse pour comprendre le contexte sur :

PROPOSITIONS D'ACTIVITÉS

Décrire et analyser l’image

Objectifs : apprendre aux élèves à lire une photo d'actualité (place du photographe, effet de réel, couleurs, lumière) et
réfléchir à la rhétorique et la symbolique de la photographie propre à ce type d’événements : personnage en feu, forces de l'ordre en action.

Observer la construction de l'effet produit et des émotions suscitées dans et par l’image (photo + textes -légende, titres)

Établir le contexte géographique et historique de la photo : proposer un petit dossier documentaire à consulter sur le Web (cf. éléments de sitographie)

  • de quel événement s'agit-il ? Manifestation du 1er mai 2017 en France
  • quelles sont les forces en présence ? Manifestants du 1er mai (syndicats, etc.), Black blocks, CRS, journalistes
  • que se passe-t-il ?

Observer les flammes, le personnage en feu, les personnes qui sont proches (postures, vêtements, sexe, armes…)
Décrire la photographie : premier plan et arrière-plan

Émettre des hypothèses sur ce qui se passe, les personnes que l’on voit, et où elles se trouvent.

Composition

  • les lignes de force de la photo forment une pyramide centrée sur la photo : l'homme en feu (voir les différentes photos que le photographe a pris sur l'instant et noter le recadrage qu'il a lui-même effectué avant d'envoyer sa photo à l'AFP, bien détaillé dans la vidéo de « Trois regards pour voir »).
  • jeu de lignes : alignement des têtes des CRS des deux côtés du personnage en feu (en action, ils avancent groupés, dans un ordre précis)
  • observer les mouvements des corps (têtes, bras, jambes...)
  • Couleurs, lumière : observer avec précision les couleurs, ombres et lumières de la photo, jeu de contrastes (feu, ruban jaune des casques, et éclairs sur les casques, costumes très sombres, troncs des arbres).

En déduire quel est l’effet produit, et ce que l'on ressent : peur, étonnement, empathie, tristesse, colère…).
On peut poser quelques questions écrites et/ou orales aux élèves. Il est intéressant de laisser s'exprimer d'abord une parole individuelle des élèves pour qu'ils prennent conscience de la singularité de la réception de l'image pour chacun. Ensuite organiser une reprise collective des informations qu'ils ont fournies.

Réfléchir avec les élèves sur la question importante de la place du photographe dans les manifestations de rue. Suivant qu'il se trouve du côté des forces de l'ordre ou du côté des manifestants, cela impacte fortement ses conditions de travail et les types de photographies prises (lire l'article du Monde à ce sujet).

POUR ALLER PLUS LOIN

Pour un travail plus étalé dans le temps, on envisagera des questionnements plus larges et récurrents sur le thème des photographies d'une actualité violente (manifestations, arrestations, conflits sociaux, guerres...) et les risques encourus par la presse. Elles nécessitent que le photographe soit lui-même au cœur de l'action qui se déroule (journalistes embedded), très près des protagonistes. Elles demandent vitesse de prise de vue et de cadrage. Aujourd'hui, avec le numérique, les photographes prennent des photos en mode rafale dans ces moments-là et sélectionnent ensuite les photos qu'ils veulent diffuser (cela s’appelle l’editing). Ces photographies donnent toujours à voir des personnes en action, en mouvement. En cela, elles peuvent s'apparenter à la photo sportive. Elles peuvent aussi donner à voir le fameux "instant décisif "dont parlait Henri Cartier-Bresson.

Pour commencer, un making-of très intéressant de l’AFP du jeudi 13 décembre 2018 sur les manifestations des gilets jaunes vus par des photographes syriens, dont Zakaria Abdelkafi et Sameer Al-Doumy (auteur de la photographie étudiée dans la vidéo de « Trois regards pour voir », Pokémon Go à Douma).

D’autres exemples

En Grèce
Un policier essayant d'échapper à un cocktail molotov durant les manifestations devant le parlement d'Athènes, 23 février 2011. Angelos Tzortzinis/ AFP Athènes. Photo présentée à « Visa pour l’image » (Perpignan, 2012), dans le cadre de l’exposition " L'onde de choc grecque " regroupant les œuvres de trois photographes de l'agence AFP d'Athènes, Louisa Gouliamaki, Angelios Tzortzinis et Aris Messinis.

Ce cliché fait écho à une série de photos prises par le même photographe en octobre 2011, lors de violents incidents qui ont éclaté le premier jour de grève générale contre le plan d'austérité, le 19 octobre 2011 à Athènes, à quelques jours d'un sommet européen décisif pour l'avenir de la Grèce.

Au Vénézuela
La photo de Ronaldo Schemidt, photographe AFP, prise lors de manifestations violentes, le 3 mai 2017 à Caracas, au Vénézuela, a remporté le prestigieux prix World Press 2018. Cette image spectaculaire montre un manifestant en feu qui court dans la rue. Le témoignage du photographe montre à la fois son regard professionnel et son regard d'homme sur cet évènement tragique.

Voir aussi le Making-of de l’AFP d’Isabel Malsang, Un air (grec) de déjà-vu. Elle compare ses photos prises en Grèce lors des manifestations entre 2009 et 2013 et les clichés pris en France lors des manifestations contre la loi travail en 2016 :

Les immolations par le feu

Certaines personnes décident de s'immoler par le feu. Elles portent les révoltes de populations opprimées et deviennent des figures très symboliques de ces protestations : de la Tunisie (Mohamed Bouazizi, 17 décembre 2010 devant la préfecture Sidi Bouzid, jeune diplômé au chômage, dont la police a confisqué l'étalage de fruits et légumes, seul moyen de survie pour lui et sa famille), à la Tchécoslovaquie (Jan Palach, étudiant, 16 août 1969, sur la place Wenceslas, à Prague pour protester contre l'invasion de son pays par l'Union soviétique) mais aussi bonzes Vietnamiens, moines Tibétains... (Lire l'article de Slate à ce sujet)

Fonction moraliste et punitive du feu

Historiquement, les condamnations au bûcher au Moyen-Âge, "hérétiques" en Europe (XIIe -XIVe siècle en France et jusqu'au XVIIe en Espagne et Amérique latine) et sorcières (jusqu'au XVIIe siècle) par les tribunaux ecclésiastiques de l'Inquisition, bûchers de livres des régimes dictatoriaux (autodafés de Berlin et autres villes allemandes organisés par le parti nazi le 10 mai 1933, à l'Université Centrale de Madrid par la Phalange le 30 avril 1939, au Chili de Pinochet, jusqu'à nos jours quand l'organisation djihadiste État islamique brûle 2000 livres à Mossoul, en Irak, en janvier 2015).

Mythologie du feu

La fascination du feu depuis la préhistoire : rites et magie (source)
Personnages fantastiques avec pouvoirs liés au feu (héros de la mythologie, tel Prométhée, ou des contes, mais aussi au cinéma, dans les BD... (source)
Certaines photos de feu peuvent être synonymes de fête et de joie : feux d'artifices, feux de la Saint -Jean, cracheurs de feu...

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