Aller au contenu principal
Sandrine Roger est professeure documentaliste au collège Edgar Quinet. En 2021, le journal du collège, Nurp!?, a gagné le concours Médiatiks (catégorie “collèges- journaux imprimés et en ligne”). Celle qui mène depuis 15 ans divers projets d’Éducation aux médias et à l’information dans l’établissement raconte les coulisses de ce média né du confinement.

ON A AIMÉ

L’enquête qui enterre la rumeur. «Le collège est-il hanté?» C’est à cette étrange question que les élèves du collège Edgar Quinet de Marseille essaient de répondre dans le numéro 2 de Nurp?!. Si l’enquête commence par l’interview anonyme d’une élève qui dit avoir vécu des expériences paranormales en allant chercher des dictionnaires en salle 104, elle se poursuit plus sérieusement par une investigation sourcée, plan et photos à l’appui . «Nous avons la preuve que, sous le collège, il y a bel et bien eu un cimetière». De là à voir un lien de cause à effet, c’est un pas que les très prudents journalistes de Nurp?! ne franchissent pas.

L’enquête qui enterre la rumeur

Le jeu qui démasque les profs. Le jeu “Retrouve ton prof” (Nurp?! n°3) s’avère tout de suite plus difficile pour les élèves qui n’ont connu leurs enseignants que masqués. L’interrogation posée par Sophia et Lina est ainsi tout à fait légitime: “Est-ce que vous avez déjà vu la tête de vos profs?” A travers ce jeu des visages “éparpillés façon puzzle”, élèves et profs se redécouvrent.

Le jeu qui démasque les profs

L’article qui fait parler. Dans l’article intitulé “Duolingo, l’appli qui te fait trop apprendre” (Nurp?! n°2), le journaliste Gabriel devient ici journaliste conso: il a testé une appli pour apprendre les langues vivantes et donne son avis. «Personnellement j’ai essayé l’anglais qui est le plus abouti»; «j’ai aussi fait l’allemand et l’espagnol. Et je connais maintenant pas mal de bases». Il explique aux lecteurs le fonctionnement de l’appli, les différentes déclinaisons et modalités de jeu. De quoi donner envie aux collégiens d’apprendre en s’amusant.

L’article qui fait parler

La vidéo qui fait le point. Internet, ça pollue? Oui, non, un peu? Avec un reportage vidéo dynamique et didactique publié dans le troisième numéro de Nurp?!, les élèves de 3e 4 font le point sur la consommation électrique induite par nos usages connectés. Dans un format hommage à “C’est pas sorcier”, on n’oublie pas de vous donner quelques conseils à respecter pour réduire votre empreinte énergétique.

La vidéo qui fait le point

L'interview

« LE JOURNAL, CE N'EST PAS UNE FIN EN SOI »

Sandrine Roger est professeure documentaliste au collège Edgar Quinet.

Quelle est l’histoire de ce journal?

Cela fait des années que je m’occupe d’Éducation aux médias. J'ai mené différents projets, dont un premier projet de journal qui s’appelait Bouge ton Quinet, il y a une dizaine d’années, à l’initiative d’élèves. C’était un journal de club qu’on a réussi à faire durer pendant quelques années et qui s’est essoufflé. C’est souvent difficile d’avoir une continuité avec des élèves qui sont petits. Donc, j’ai arrêté de faire des journaux pendant un moment. On était plus sur des projets médias “one shot”, qui concernaient des classes: soit des journaux, soit des webdocumentaires, on a fait des reportages vidéos, etc.

Quel a été le déclic pour le journal Nurp?!?

Là-dessus est arrivé le confinement. À l'époque, j’avais une classe médias de 6e et, pendant le confinement, pour garder le lien, je leur avais proposé qu’on garde le contact et qu’on écrive, pour ceux qui avaient envie de le faire. Avec la classe médias, on utilisait déjà Pearltrees, qui est un agrégateur de sites au départ et que nous on utilisait pour partager des documents, mettre notre travail en commun et qui était un peu notre réseau social de la classe médias. Là, j’ai plusieurs élèves, notamment des élèves hors classe médias, qui ont justement voulu se lancer dans un journal. On a passé tout le mois de confinement à écrire et on a réussi à sortir 5 numéros d’un petit journal qui n’avait même pas de titre. Je pense que ça a déclenché un peu des envies, et les élèves se sont rendu compte, à ce moment-là, de la nécessité d’avoir une information. On était dans un tel moment de flou qu’ils étaient eux-mêmes à la recherche d’infos. Donc ils ont vu aussi l'utilité d’en produire. Quand on s’est retrouvé en vrai, ma petite équipe a voulu continuer et on s’est lancé dans un projet un peu plus ambitieux qui est devenu Nurp?! depuis l’année dernière.

Comment prononce-t-on Nurp?!? D’où vient le titre du journal?

On ne sait pas trop! Quand on a voulu monter quelque chose d’un peu plus construit s’est posée la question du titre. On voulait absolument éviter les titres un peu passe-partout comme “Le Journal des collégiens”. On voulait essayer de trouver quelque chose d’un petit peu plus percutant. Les élèves étaient partis sur des idées d’onomatopées: “buzz”, “scoop”, mais c’était peut-être un peu déjà-vu. Et puis, on a une élève qui nous a un jour proposé le fameux “Nurp”. D’après elle, on prononce «Neurp». C’est le nom d’un pigeon voyageur de la Seconde Guerre mondiale, dont le squelette a été découvert en Angleterre, dans un grenier, avec un code secret à la patte. Celui-ci n’a jamais été décodé. L’idée du message secret, du pigeon voyageur qui amène les nouvelles leur a plu. Et puis, ils ont voulu ajouter le point d’interrogation et le point d’exclamation pour signifier le fait qu’ils se posaient des questions et qu’ils s’étonnaient, qu’ils étaient curieux. C’est donc un titre très compliqué, très réfléchi et imprononçable!

Comment fonctionne le journal?

C’est difficile de maintenir un journal de club sur la continuité, parce qu’effectivement il faut réussir à motiver des élèves. On se réunit entre midi et deux: c’est un temps où il y a beaucoup d’autres activités qui sont proposées dans le collège et je comprends que les élèves aient envie de faire une pause. Moi, je leur permets d’être assez libres, de participer plus ponctuellement. Quand ils ont envie de faire un article, ils peuvent le proposer. On continue à travailler à distance avec Pearltrees, et puis j'alimente aussi le journal avec des choses plus construites qu’on va faire dans le cadre de classe. Cette année, on a une option médias en 3e, que j’ai créée avec des élèves volontaires.

Qui vient au club journal?

Avec ce confinement et la façon dont le club est né, je me retrouve avec beaucoup d’individualités, avec des élèves qui n’étaient pas forcément très à l’aise au sein d’un groupe et qui finalement se révèlent en étant seuls derrière leur clavier. Il y a aussi les groupes de copains, les 6e parce qu’ils sont plus motivés par les activités extra-scolaires. Mais c’est vrai qu’avec ce fonctionnement à la fois en présentiel et distanciel, je touche d’autres types d’élèves que sur les projets précédents.

Comment fonctionne le projet de l’option médias dans l’année?

Pour l'instant, comme c’est la première année de cette option, on est en mode de construction. On a décidé de travailler autour de thématiques liées à l’orientation, à la découverte professionnelle. L’idée, c’est de faire un numéro spécial de Nurp?! autour de l’orientation et de la découverte des métiers. Pour l’instant, on se voit une fois par semaine. Une heure, ça passe très très vite! Ils sont en train de préparer un reportage écrit et photo sur les métiers du collège: ça permet de voir de petites techniques d’interviews, le portrait photo, etc., sans avoir à sortir du collège. C’est faisable en une heure. On va maintenant passer à la suite et voir avec eux ce qu’ils ont envie de faire. On va faire une conférence de rédaction où ils vont proposer des sujets. On va voir comment on peut les traiter et puis, après les vacances, en fonction de ça, on va mettre en place différents ateliers. On aimerait bien toucher à tout en fait! Qu’ils puissent faire à la fois un reportage vidéo, des reportages, des podcasts, de l’écrit, de la photo… Le but c’est de leur faire découvrir un maximum de choses en un minimum de temps.

L’outil avec lequel vous travaillez, Genially, permet justement de jongler avec tous ces formats différents. Comment ça fonctionne?

Genially est assez simple d’utilisation et nous permet de mélanger différents supports. C’est top de ne pas être limité au format papier, de pouvoir mélanger du son, de la vidéo, etc. Quand on a mis en place Nurp?!, ça s'est imposé comme format. On a à la fois les avantages du format papier (on a un objet fini, un numéro qui sort, c’est un peu l'événement), et les avantages du format web (on peut effectivement mélanger les supports).

Comment décidez-vous la place que va prendre chaque sujet?

C’est de l’impro totale! En fait, je crois que le journal, ce n'est pas une fin en soi. Ce n’est pas ça qui est important. Oui, c’est bien de réussir à s’arrêter, de dire à un moment on produit quelque chose. Mais le but, c’est surtout d’amener les élèves à produire de l'information et à se poser des questions.

Qu’est-ce qui vous plaît dans ces activités d’Éducation aux médias?

En fait, depuis quelques années, avec la prolifération des fake news, on en arrive à un truc où ils n’ont plus confiance en rien. Ils n’arrivent plus à faire la différence entre ce qui est fake ou non. Et je pense que nous, notre rôle, c’est surtout de leur apprendre à faire confiance, à faire confiance à bon escient et être capable de repérer ce qu’est une vraie information avant de leur parler de ce qu’est une fausse; de leur apprendre ce qu’est une source, une source fiable, une source pertinente par rapport à son sujet. Le fait de produire des infos c’est quand même le meilleur moyen d’appréhender ce genre de choses. Et une fois qu’ils ont compris ça, là je pense qu’on peut commencer à leur parler de fake mais seulement là.

Quels sujets intéressent les élèves?

C’est très varié! Des choses liées à la vie du collège par exemple. des problématiques d’adolescents et c’est vrai que j’essaie de les pousser vers ce genre de sujet mais surtout à trouver le bon angle. Eux, ce qu’ils peuvent amener, c’est surtout leur vision d’adolescent sur la société, sur le fonctionnement du collège. Ils ont des choses à dire et c’est bien de les amener à exprimer ça, à parler de problématiques d’ados avec des mots d’ados, à amener leur vision d’ado. Et je trouve que c’est intéressant!

Avez-vous un exemple de sujet et de la façon dont vous avez aidé les élèves à travailler sur l’angle?

La question se pose à chaque fois qu’ils apportent un sujet. Là où c’est le plus marquant c'est sur les sujets les plus passe-partout. Par exemple, le gamin qui arrive avec un sujet sur les mangas: ça a été vu, revu et rerevu. Tu as envie de parler de manga mais tu vas faire quoi? Tu vas juste nous raconter le manga? Nous faire une petite critique? N’y a-t-il pas moyen d'aller un peu plus loin? De quelle problématique parle ce manga? Est-ce qu’on peut le lier à un sujet de société ? Toujours partir d’une envie qu’ils ont et leur montrer que même un sujet un peu banal, on peut en tirer quelque chose. Et ça leur permet de voir la notion d’angle dans un article.

Comment le journal est-il diffusé, reçu au sein de l’établissement?

Il est sur le site du collège, sur le site du CDI où on a une page dédiée et on envoie le lien à chaque sortie, via Pronote, à toute la communauté éducative (les élèves, les parents, les profs). Cela nous permet d’avoir une certaine visibilité. J’ai un élève qui s’intéresse pas mal à ces problématiques de communication, donc on a aussi des affiches avec des QR codes ce qui permet aux gens de pouvoir flasher et de voir notre magazine en ligne.

Comment assurer la continuité et la transmission entre les équipes, d’une année sur l’autre?

Je n’ai pas trouvé la solution. C’est difficile. C'est pour ça que je ne suis pas sûre que Nurp?! survive longtemps par exemple. Mais quelque part, ce n’est pas grave. C’est bien aussi de repartir à zéro avec un autre projet. C’est intéressant aussi d’avoir des “one shot”, des choses qu’on fait avec un groupe, avec une classe. Le club en soi, si ça marche et si ça vient des élèves, c’est génial, mais sinon tant pis, il faut faire autre chose.

Là, sur Nurp?!, j’ai des élèves qui sont là depuis le début et qui restent. Sur le journal que j’avais monté précédemment c’était difficile de les faire tenir les 4 ans. Mais je pense que c’est lié à l’âge aussi, ils sont en pleine adolescence.

Auriez-vous un conseil simple pour des enseignants qui veulent se lancer dans l’aventure du média scolaire?

Ce serait peut-être de ne pas vouloir le faire forcément avec un club alors que c’est l’idée qu'on a au départ. Si on a le temps et les moyens d’avoir une heure de projet (il faut quand même avoir le temps de monter quelque chose), c’est vraiment intéressant de travailler avec un groupe classe, avec des élèves qu’on a de façon fixe, à heures fixes, avec un vrai projet qui se met en marche.Nurp?!, Journal des élèves du collège Edgar Quinet, Marseille (13)Nurp?!, Journal des élèves du collège Edgar Quinet, Marseille (13) Le club, on ne prêche que des convaincus, on n’a que des élèves qui ont envie. Est-ce que c’est ça qui est vraiment intéressant? Je ne suis pas sûre.

Quel est votre meilleur souvenir avec le journal?

Les élèves avec qui j’ai démarré le projet en ligne sont pour la plupart assez timides, ils ne se seraient peut-être pas engagés sur ce genre de projet. Il y a des élèves que j’ai vu évoluer grâce à ce projet-là et ça c’est génial. Des élèves qui prennent confiance en eux, qui prennent des initiatives. On se retrouve à la tête du journal avec des élèves qui ne sont pas des leaders charismatiques nés et ça c’est plutôt cool !

Propos recueillis par Sophie Gindensperger et Maud Moussy le 19 octobre 2021

Vous aimerez aussi...