CLEMI

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Trousse de secours en cas d’accidents d’images

Quelques conseils express pour aider les parents

Par le docteur Serge Tisseron, psychiatre et Isabelle Féroc Dumez, maîtresse de conférences à l’université de Poitiers, directrice scientifique et pédagogique du CLEMI

Urgence ! Des images violentes, à contenu sexuel ou haineux, ont surgi sur l’écran de votre enfant. De façon inopinée, à votre insu, pas nécessairement au gré de votre enfant, ces images difficiles à supporter l’exposent de façon traumatisante à la violence, à l’horreur, à la pornographie… Comment aider votre enfant à donner du sens à ce qu’il a vu et le rassurer ?

À partir d’un dialogue entre chercheur et praticien, Le Guide de la Famille « Tout-Écran » vous propose des solutions et des conseils pour comprendre et panser les blessures d’information de vos enfants.

Mélina, 3 ans, a visionné, à l’insu de ses parents, un programme inadapté à son âge

Les cousins de Mélina, âgés de 11 et 13 ans, passent la soirée chez elle. Ils ont apporté un DVD d’Harry Potter ! Les ados s’installent pour regarder le film. Mélina, qui ne trouve pas le sommeil, les rejoint en douce, sans que ses parents s’en aperçoivent. Quelques jours plus tard, elle fait des cauchemars : fantômes, loups-garous et autres araignées géantes rôdent autour de son lit !

Mélina fait-elle la différence entre réalité et fiction ? Comment peut-elle apprendre à contrôler ses émotions qui la submergent ?

Conseil : on peut expliquer à Mélina que rien de ce qu’elle a vu n’était « vrai », que c’était des effets spéciaux de cinéma. Cependant, à cet âge, le plus difficile pour l’enfant ne relève pas de ce qu’il comprend ou ne comprend pas, mais de la grande difficulté où il est, du fait de son immaturité cérébrale, à pouvoir gérer ses émotions sans aucune possibilité de les contrôler, et c’est cela qui lui fait peur. Un enfant plus âgé peut dire : « Je sais bien que ce n’est pas vrai, mais j’ai peur quand même . » À 3 ans, il le vit mais ne peut pas le dire. Il peut être terrorisé de la même façon par un dessin animé ! Sa peur peut être liée au contenu des images, mais aussi au montage rapide et contrasté, ou à la bande-son qui mêle des bruits respiratoires et cardiaques.

Le + : pour lui permettre de reprendre pied, il faut prendre l’enfant dans ses bras, le cajoler, puis l’inviter à dessiner ce qu’il a vu, le féliciter de l’avoir fait, puis reformuler ce qu’il a représenté sur son dessin, afin de lui donner des mots pour en parler. Rien n’est si effrayant pour l’homme que le langage ne permette de l’apprivoiser.

Mélina, 3 ans, est confrontée aux images terrifiantes d’une catastrophe naturelle

Un tremblement de terre suivi d’un tsunami vient de se produire à plusieurs milliers de kilomètres de la France. Mélina a vu à la télévision de terribles images des décombres et des victimes. Sidérée par les images et saisie d’angoisse, elle demande si tout cela s’est vraiment passé et si cela peut arriver près de chez elle : la maison peut-elle s’écrouler ? une vague peut-elle l’emporter ?

Comment trouver les mots pour faire comprendre l’actualité et rassurer Mélina ?

Conseil : un jeune enfant ne possède pas encore les repères spatiaux et temporels qui permettent à un adulte de situer et de relativiser une catastrophe. Il faut toujours pouvoir montrer à l’enfant, avec une mappemonde par exemple, à quel endroit la catastrophe s’est passée et lui expliquer que de tels drames sont rares.

Le + : là encore, en prenant l’enfant dans vos bras, montrez-lui que vous êtes là pour le protéger. On peut également dire à Mélina que si une telle catastrophe arrivait, ses parents le protégeraient. Les parents savent bien qu’ils ne peuvent pas protéger de tout, mais l’enfant, à cet âge-là, a besoin de le croire. Il faut aussi lui parler des pompiers et des sauveteurs, très nombreux chez nous, qui nous protégeraient.

Théo, 8 ans, a vu des images pornographiques

Théo, invité chez un copain, a vu des images pornographiques sur la tablette du grand frère de son ami, il ne comprend pas ce qu’il a vu…

Comment expliquez à Théo que ce qu’il a vu n’est pas conforme à la réalité ? La pornographie, ce n’est pas l’amour !

Conseil : il faut d’abord féliciter Théo d’en parler. Surtout ne pas le gronder, ni blâmer son copain qui n’a pas dû comprendre non plus ce que son grand frère leur a montré. Dites-lui qu’il a dû être bouleversé, et qu’à sa place, vous l’auriez été aussi. Vous pouvez lui expliquer que « faire l’amour », entre un homme et une femme, ou deux hommes, ou deux femmes, n’a rien de comparable avec ce qu’il a vu, que cela implique beaucoup de respect de l’autre, que c’est une découverte mutuelle.

Le + : lui dire que ce qu’il a vu, c’est du cinéma et que dans la vraie vie, cela ne se passe pas comme ça. Les gens qui font des films pornographiques sont des acteurs. En plus, il  peut y avoir des trucages. Dites-lui que l’amour c’est autre chose, de bien plus beau !

Théo, 8 ans, découvre la photo d’un enfant migrant mort

Théo a vu la photo d’un enfant migrant mort sur une plage. Il met en doute la mort de l’enfant…

Théo ne comprend pas ce qu’il s’est passé. Faut-il tout lui expliquer ? Comment l’aider à donner du sens à la réalité ?

Conseil : Théo a raison, avec les images qu’on voit à la télévision ou sur internet, on n’est jamais certain qu’elles correspondent à la réalité. Si Théo a envie de croire que ce petit enfant était seulement blessé et qu’il a été sauvé, il a le droit de le croire. Mais même si cet enfant est encore vivant, il est probable que d’autres enfants ont dû mourir en essayant de traverser la Méditerranée.

Le + : il faut là encore sortir la mappemonde et montrer le parcours des réfugiés. Puis expliquer qu’ils tentent cela parce qu’ils souffrent trop dans leur pays, et qu’il est important de trouver des solutions pour accueillir ceux qui ont réussi à arriver jusque chez nous.

Juliette, 16 ans, est sidérée par des photographies de camps nazis

Juliette a vu des photographies de camps nazis. Entre sidération et révolte, déçue du genre humain, elle semble traumatisée et commence à déprimer.

Certaines images d’actualité demandent de la prudence. D’autres images montrent une réalité cruelle, hélas vérifiée. Comment réagir face à l’horreur et que dire à Juliette pour lui remonter le moral ?

Conseil : s’agissant d’images de guerre issues de l’actualité, il est nécessaire d’observer une certaine prudence, car il faut du temps pour connaître la nature des événements qui se produisent. En revanche, en ce qui concerne les images d’archives, celles-ci sont validées. On sait que ces événements se sont produits. La sidération de Juliette est sensée : l’homme est capable du pire vis-à-vis de son prochain. On peut toutefois expliquer à Juliette que certains risquent leur vie pour en sauver d’autres, en résistant à la barbarie.

Le + : on peut proposer à Juliette d’aller voir sur internet la merveilleuse histoire du village de Saint-Agrève où tant d’enfants juifs ont été cachés et sauvés, au péril de la vie de ceux qui les protégeaient. On peut lui expliquer que quel que soit le caractère inhumain des situations auxquelles l’homme est confronté, il est toujours possible d’y réagir de façon humaine.

Juliette, 16 ans, ne veut plus sortir de chez elle après des attentats terroristes

Juliette n’ose plus sortir avec ses amis après avoir vu des images et lu des témoignages sur les réseaux sociaux de jeunes gens victimes d’un attentat terroriste. S’enfermant à la maison, elle cherche sur internet à voir plus d’images, à lire plus de commentaires, alors que cela la rend de plus en plus mal à l’aise.

Juliette, à l’instar de tant d’autres, semble tomber dans une sorte de voyeurisme sur les réseaux sociaux, jusqu’à la nausée. Comment l’aider à se détourner de ces images pernicieuses ?

Conseil : Juliette a besoin d’une bonne explication sur ce que sont les réseaux sociaux. Ils ne sont pas un reflet du vrai monde. D’abord, chacun essaie de s’y montrer plus heureux, plus beau et plus intéressant qu’il n’est en réalité. Ensuite, il est très facile de faire courir des fausses nouvelles (rumeurs), rien que pour le plaisir de voir combien de gens les relayent en y croyant. Il ne faut donc pas croire tout ce qu’on y trouve ! Enfin, il y a aussi des groupes qui veulent nous faire adhérer à leurs croyances (religieuses, politiques voire complotistes).

Le + : peut-être Juliette a-t-elle des copines ou des copains qui l’invitent à aller sur certains sites ? Pensez à lui poser la question. Et peut-être a-t-elle rencontré sur internet une personne qui l’a convaincue d’aller voir des sites ou de participer à des réseaux sociaux diffusant des informations douteuses ? Parlez-en ensemble.