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Alerte info : dans le cadre de la réforme de la SNCF, “les trains seront désormais conduits par des coursiers Deliveroo”. Flash spécial : Malgré les avertissements, il court à la piscine : 86 morts”. Ces titres d’articles que vous avez sans doute croisés sur les réseaux sociaux n’ont pas été publiés sur un site d’information. On les retrouve sur LeGorafi.fr, un site satirique au contenu décalé, destiné à faire rire les internautes... à condition que ceux-ci aient conscience qu’il s’agit bien d’un site satirique. Car dans ce domaine, entre contenu satirique et fausse information destinée à tromper le lecteur, la frontière est parfois ténue.

Satire, parodie ou pastiche ?

Créé en 2012, Le Gorafi, anagramme de Figaro, est l’un des sites satiriques francophones les plus connus. Ce qualificatif de “satirique” signifie qu’il s’agit d’un site publiant de fausses informations dans l’unique but de faire rire le lecteur. Certains utilisent d’autres termes pour qualifier ce type de site : on parle aussi de site parodique, la parodie ayant pour but de détourner. Mais pour Laurence Leveneur, maître de conférence en Sciences de l’information à l’université de Toulouse, qui a travaillé sur les ressorts humoristiques du Gorafi, le terme de pastiche est le plus adapté. Car, à la différence de la parodie qui détourne, le pastiche imite. Or, si le contenu du Gorafi est humoristique, la forme est très sérieuse : le site imite bien les sites d’information.

Ces sites satiriques se sont multipliés ces dernières années (voir la sélection établie par 20minutes.fr). Et pour cause : ces contenus sont viraux et facilement monétisables. Le Gorafi, site gratuit affichant de la publicité, avait un chiffre d’affaire de 237 000 euros en 2014 et 60 000 euros de bénéfice (chiffres Capital). Parallèlement aux bandeaux publicitaires classiques, le site publie des contenus sponsorisés (des articles payés par annonceurs) dont le tarif est estimé à 5000 euros l’article.

Du pastiche à la fake news

Cette imitation peut d’ailleurs porter à confusion, malgré une rubrique “à propos” précisant bien que Le Gorafi est un site satirique. En 2017, Le Monde a ainsi recensé plusieurs articles du Gorafi perçus comme de vraies informations. Par exemple, pendant la campagne présidentielle, une fausse interview d’Emmanuel Macron, publiée un an plus tôt sur Le Gorafi, a été relayée par des pages Facebook d’extrême droite. Dans cette interview inventée, Le Gorafi faisait dire à M. Macron : “Quand je serre la main d’un pauvre, je me sens sale toute la journée”. En relayant cette citation en pleine campagne présidentielle et en faisant croire qu’il s’agissait d’une vraie interview, ces sites d’extrême droite ont donc utilisé cette fausse information comme une fake news.

Lors de l’apparition de ce terme de “fake news” dans le langage courant, cette expression désignait un faux article issu d’un site satirique comme le Gorafi par exemple. Par extension, cette expression a été utilisée pour désigner une information erronée, diffusée volontairement par son auteur. Au coeur de la notion de “fake news”, il y a donc la volonté de tromper le lecteur.

Dans le cas du Gorafi, ce sont les reprises des faux articles sur les réseaux sociaux qui peuvent être malveillantes, mais le site lui-même se revendique purement satirique dans sa rubrique “À propos”. D’autres sites ont un statut plus ambigu. C’est le cas du site belge Nordpresse.be qui a tenté, à plusieurs reprises, de discréditer la presse, comme l’a raconté Lemonde.fr. Par exemple, en mars 2017, Nordpresse avait affirmé avoir piégé des journalistes du Parisien dont l’un des articles se serait basé sur de fausses sources. Une accusation mensongère, destinée à nuire à la réputation du journal, aussitôt démentie par Le Parisien. En 2016, Nordpresse avait déjà fait croire qu’il avait piégé plusieurs médias à propos d’une candidature fantaisiste à l’élection présidentielle. Là encore, la blague douteuse avait pour objectif de discréditer le travail de journalistes professionnels.

À la frontière entre la satire et la fake news, on trouve d’autres sites : Actualite.co ou Actualitesdujour.fr. Le principe de ces plateformes ? Des internautes peuvent piéger leurs amis en créant de faux articles. Une démarche potache à l’origine de la circulation de nombreuses rumeurs, notamment la prétendue mise en place d’une taxe sur les jardins potagers. D’où la nécessité de systématiquement vérifier la source d’une information.

Sébastien Rochat, responsable du pôle Studio du CLEMI

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