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Selon des statistiques fournies par YouTube en octobre 2017 1, « 8 Français sur 10 entre 16 et 24 ans vont sur YouTube au moins une fois par jour ». Si toutes les vidéos sont consultables gratuitement, leur production a nécessairement un coût. YouTubeurs et sociétés de production se financent grâce à la publicité. Encore faut-il que l’utilisateur la visionne. Voilà pourquoi la publicité se fait de plus en plus discrète.

Par Sébastien Rochat, responsable du pôle Studio, CLEMI

PRENDRE CONSCIENCE DES DIFFÉRENTES INFORMATIONS QUI ACCOMPAGNENT UNE VIDÉO

Malgré une réglementation assez claire sur la nécessité de signaler un contenu publicitaire (l’article 20 de la loi du 21 juillet 2004 précise que « toute publicité doit pouvoir être clairement identifiée comme telle »), il est encore relativement difficile de repérer une publicité cachée sur YouTube. L’absence de signalétique ne permet pas toujours de savoir si une vidéo contient un placement de produit ou a été financée directement par une marque.

Pour réussir à identifier la nature exacte d’une vidéo publiée sur YouTube, il est nécessaire de connaître toutes les informations disponibles autour de la vidéo. Le titre, le nom de la chaîne, le nombre de vues* et les suggestions de vidéos supplémentaires sont généralement assez vite repérés. En revanche, les informations disponibles au bas de la vidéo, en cliquant sur le bouton « Plus », sont, la plupart du temps, ignorées. Or, c’est précisément à cet endroit qu’un YouTubeur mentionne, par exemple, le nom d’un coproducteur.

ACQUÉRIR DES RÉFLEXES DE VÉRIFICATION

Pour chaque vidéo, il faut se poser les questions suivantes afin d’en déterminer sa nature : qui a publié cette vidéo ? Quel est le type de contenu : est-ce un « tuto » ? Une parodie ? Une interview ? Un montage d’extraits vidéo ? Un clip ? Une démonstration de jeux vidéo ? Une publicité ? Sur quelle chaîne YouTube la vidéo a-t-elle été postée ? Pourquoi le YouTubeur a-t-il réalisé sa vidéo ? Des marques sont-elles apparentes ?

C’est en s’interrogeant sur le statut de chaque vidéo qu’on peut réussir à les distinguer et à repérer les différentes formes de publicité discrète.

Exemple : sur la chaîne YouTube CyprienGaming, on peut voir une vidéo de démonstration du jeu Horizon Zero Dawn par deux YouTubeurs, Cyprien et Squeezie. Cette vidéo a été vue 950 000 fois. Une simple vidéo de démo ? Pas tout à fait. La mention « inclut une communication commerciale » s’affiche pendant les 20 premières secondes de la vidéo. Depuis 2016, YouTube a, en effet, ajouté une fonctionnalité permettant aux YouTubeurs d’indiquer qu’une vidéo est un contenu sponsorisé. Seulement, le vocabulaire choisi – « communication commerciale » – n’est pas forcément très clair pour l’internaute. C’est le propre de la publicité discrète : ses dénominations – « contenu sponsorisé », « publireportage », « publi-communiqué » – sont volontairement obscures pour semer le doute sur la nature exacte du message.

DES MODÈLES PUBLICITAIRES COMPLEXES

Si les YouTubeurs gagnent de l’argent par Google Adsense (le service publicitaire de YouTube), les vidéastes les plus importants travaillent au sein d’agences baptisées « MCN » (pour multi-channel networks ) ou réseaux multi-chaînes. Ces agences gèrent les revenus des YouTubeurs. Véritables régies publicitaires, les MCN négocient avec les annonceurs pour les publicités diffusées avant les vidéos, mais aussi pour les autres formes de publicités, comme les contenus sponsorisés (c’est-à-dire payés par une marque) ou les placements de produit (technique consistant à promouvoir un produit dans un programme télévisé, un film ou une vidéo sur internet). Ces MCN gèrent également les carrières de YouTubeurs en les aidant dans la création de contenus et le développement de leur audience.

De grands groupes médias ont investi sur le web en créant ou en rachetant des MCN : Canal+ détient Studio Bagel, M6 possède Golden Moustache et Rose Carpet, TF1 a créé l’agence Finder Studios. Mais c’est le groupe Webedia, spécialisé dans le numérique, qui a fait la plus grosse affaire en rachetant Mixicom, le MCN des plus gros YouTubeurs français (Cyprien, Norman et Squeezie totalisant, à eux trois, 36,4 millions d’abonnés début 2019).

Acquérir ces réflexes de vérification en travaillant sur ces différents formats publicitaires présents sur YouTube est indispensable, car dès lors que la nature même du message est cachée, ce type de pratique est une forme de désinformation.