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En télévision comme au cinéma, le montage est une étape très importante de la production audiovisuelle. Dans le cas des émissions d’information, le travail de collaboration entre le journaliste et le monteur est très important.

Le montage est à la fois une étape technique, puisque cela demande des compétences particulières de manipulation (hier analogique, aujourd’hui numérique). Mais c’est aussi une étape éditoriale, car le montage est une écriture, il donne un sens aux images et donc au reportage. On dit que la technique est au service du sens.

L’effet de l’enchaînement n’est pas neutre, et un plan placé avant un autre peut en modifier la réception par le spectateur. Mis en évidence par le théoricien et réalisateur soviétique Lev Koulechov vers 1920, cet “effet Koulechov” peut par exemple modifier l’émotion lue sur le visage d’un acteur, comme le soulignait cette vidéo didactique du Monde en 2013.

Dans l’exemple du documentaire «Zidane, dernier acte», diffusé sur l’Equipe TV le 30 décembre 2015, les plans de coupe sur les unes du journal L’Équipe, ou sur les supporters en liesse, par exemple, créent un véritable sentiment d’euphorie par rapport aux images de buts marqués par le célèbre footballeur. A l’inverse, dans «Zidane, L’intouchable», diffusé sur France 2 le 29 septembre 2016, les images sur le terrain sont contrebalancées par celles où on le voit devant le tribunal juste après.

Le son est également un élément très important du montage. On distingue le son enregistré en même temps que les images (le “in”) du son ajouté aux images (soit la voix “off” du commentaire soit la voix “over” de la traduction, par exemple). L’indépendance du son et des images permet de multiples possibilités. On peut ajouter de la musique, ou une voix-off, en général celle du journaliste. Ces deux éléments permettent, sur des images similaires , d’avoir des propos très différents. C’est ce que montre Chris Marker dans Lettre de Sibérie (1957).

Souvent, les journalistes télé travaillent en équipe de deux: un journaliste reporter d’images (JRI) et un rédacteur. Quand des journalistes partent en reportage, le JRI va filmer des lieux, des scènes, et des interviews. On dit qu’ils vont faire des plans. Un plan, ce sont des images enregistrées au cours d’une même prise. Ces plans forment une séquence. Les plans d’une même séquence doivent respecter une unité d’action, de ton et être raccord. Une séquence peut n’être formée que d’un seul plan : c’est ce que l’on appelle le plan-séquence.

En rentrant de reportage, le journaliste rédacteur et le monteur vont “dérusher” les images: ils regardent tout ce qui a été tourné (les “rushes”) pour sélectionner les bonnes séquences et les extraits d’interviews, aussi appelés “sonores”. Ensuite le rédacteur va écrire son commentaire et le caler sur les images en bonne entente avec le monteur.

VERBATIM. Stéphanie Coquelet est monteuse pour plusieurs émissions de télévision. Elle explique comment elle travaille avec les journalistes pour produire des sujets d’actualité.

Le métier de monteur quand on travaille dans l’information, je dirais que c’est savoir synthétiser l’information en faisant une sélection pertinente et en étant percutant. Il faut savoir trouver la citation qui permet de rester cohérent, choisir les sonores qui synthétisent la pensée de la personne sans la déformer. C’est une déontologie.

C’est le monteur qui choisit la musique. Une fois que je connais le sujet, je vais chercher dans une banque de musiques que j’ai présélectionnées pour trouver une musique en rapport. C’est toujours délicat de ne pas tomber dans la musique de film. On essaie de ne pas tomber dans le cliché, par exemple de ne pas mettre des violons quand on évoque la mort de quelqu’un.

Pour 28 minutes sur Arte, je travaille sur un sujet court avec une journaliste à partir d’images déjà tournées. C’est ce qu’on appelle du “desk”. On décide du sujet le matin, puis la journaliste avec qui je travaille fait des recherches, lit des journaux. Le but de cette rubrique, qu’on appelle “mise au point”, est de résumer les grandes lignes du sujet en moins de deux minutes. Moi je récupère des images d’agence envoyées par des documentalistes qui sont en relation avec l’AFP, Reuters, ou l’Institut national de l’audiovisuel par exemple, et qui se chargent de faire les commandes d’images. Les monteurs récupèrent ces vidéos, les rushes, dans leur machine. Avec la journaliste on regarde tout ce qu’on a. On essaie de faire ressortir des sonores, il faut choisir des phrases assez percutantes.

En général, c’est un travail d’équipe. C’est plus facile si on a la même vision des coupes à faire. Sinon on argumente, on discute. Les journalistes, au fur et à mesure, sont assez aguerris au montage, aussi on s’entraide. Le monteur s’attache plus à l’image, et va trouver par exemple quelle séquence sera plus adéquate pour un début de sujet, une autre pour la fin. Pour C Politique, je travaille avec des journalistes qui sont allés sur le terrain. Là, avec le journaliste, c’est du travail de tricotage. On commence à travailler sur une narration. Le rédacteur en chef peut aussi intervenir, c’est lui qui a l’oeil final.

Sophie Gindensperger, journaliste et cheffe de projet au CLEMI

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