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Vous vous posez beaucoup de questions autour du numérique, et c’est bien normal : contrairement à vos enfants, vous avez grandi dans un monde non connecté. Il y a 10 ans, quand votre ado portait encore des couches, Facebook comptait à peine 100 millions d’utilisateurs... contre près d’1,8 milliard aujourd’hui.

Lettre ouverte aux parents par Laurence Bee, journaliste, auteur et blogueuse de Parents 3.0.

Nota bene : Ne vous fiez pas aux apparences ; le verbe « hacker* » n’est pas employé ici dans son sens traditionnel informatique, c’est-à-dire « entrer par effraction », « pirater ». Il ne s’agit pas d’espionner ses enfants mais de « bidouiller » avec eux et d’innover par le détournement.

Éduquer à l'heure d'Internet et des réseaux sociaux*, la tâche peut nous sembler immense, à la hauteur de la pression que médias et institutions font peser sur nos épaules pourtant déjà larges. Sans parler de nos enfants. « Nan, laisse-moi faire ! » est leur credo dès que vous approchez de près ou de loin un écran. Et vous avez tendance, en votre for intérieur, à en éprouver un mélange de soulagement (« Ouf, ça de moins à faire ») et de culpabilité (« Mais quand même, c’est moi qui devrais lui apprendre »). Alors plutôt que de maugréer dans votre coin, de soupirer en maudissant (au mieux) ou en ignorant (au pire) ce que font vos enfants en ligne, je vous propose de hacker vos propres enfants. En toute simplicité.

Une opportunité pour faire du lien

De quoi s’agit-il ? De les hacker non pas au sens souvent utilisé de « pirater », mais dans le sens initial de « bidouiller, détourner ». La « bidouillabilité » (ne riez pas), de l’anglais hackability, est, d’après Wikipédia, « la capacité pour quelque chose (système, objet technique, outil, etc.) à être détourné de sa vocation initiale pour de nouveaux usages ». Hackons donc gaiement nos enfants, et explorons leur appétence pour les univers connectés. Plutôt que de nous en offusquer et d’y voir matière à conflit, exploitons leur goût pour le collaboratif et les réseaux, et créons de nouveaux liens familiaux. C’est du « win-win » (gagnant-gagnant) en barre. Premièrement, le parent ne se pose plus comme un censeur, mais comme un accompagnateur. Rappelons qu’accompagner, au sens étymologique du terme, veut dire « manger le pain avec » : mangeons donc des écrans avec nos petits ogres, et (re)trouvons le goût des saveurs numériques. Valorisons nos kids dans leurs « acquis écrans ».

Et si Internet favorisait la créativité dans nos échanges ?

Deuxièmement, en agissant ainsi, le parent en profite également pour faire une mise à niveau et se positionner sur le territoire des réseaux sociaux et des usages numériques. La génération spontanée des écrans n’existe pas : elle s’organise à force d’échanges et de collaborations plus ou moins conscientes, plus ou moins construites. Apportons notre vision parentale et nos besoins en tant que chefs de famille : il y a sûrement matière à tirer bénéfice des « acquis écrans » pour l’ensemble de la famille.

Ainsi, par exemple, demandez à vos générations Z de mettre leurs réseaux à contribution pour trouver des recettes de pâtes originales pour la semaine, proposez-leur de dénicher des nouvelles idées de déco sur Pinterest, chargez-les d’organiser une synthèse des meilleurs forfaits internet en vue de trouver le plus adapté, mettez-les au défi de faire les courses en ligne pour toute la famille, demandez-leur de repérer des tutoriels YouTube pour ranger leur chambre de façon optimale… Bref, vous voyez l’esprit ?

Hackons ensemble

Pour résumer : hackez vos enfants pour ne plus faire du temps écrans un temps de conflit mais un temps de complicité, via un cheminement en commun. En bidouillant ainsi les rapports familiaux, en agissant sur la notion d’hyperliens, au propre comme au figuré, vous ferez clic compte triple : vous transformerez effectivement le temps écrans en un temps complice et non plus en un temps de conflit, vous défricherez intelligemment ces terrains vagues que peuvent encore être les médias sociaux et les open data, et vous reprendrez votre rôle d’éducateur en devenant un accompagnateur de première classe. Surtout, vous montrerez à vos enfants, qui baignent dans le Web social, que vous avez saisi le sens du mot « interaction ». Réinventons nos usages, et pour mieux respecter l’esprit du hacking, hackons ensemble, et échangeons entre parents nos bons trucs pour créer du lien numérique en famille. Chiche ?