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Le parcours médiatique de la jeune suédoise, de son émergence dans les médias suédois à son explosion dans la presse mondiale, parallèlement à la diffusion de son action sur les réseaux sociaux, permet de mettre en lumière les mécanismes à l’œuvre dans la propagation d’une information.

Tweet de Greta ThunbergSes nattes serrées et sa moue austère ont fait le tour du monde, et ce, bien avant que Greta Thunberg ne monte sur un bateau pour rejoindre New York, le 14 août 2019. Quasiment un an auparavant, la Suédoise de 16 ans a initié sa grève de l’école pour interpeller sur l’inaction face au réchauffement climatique. Une année durant laquelle la jeune fille a émergé comme un personnage médiatique incontournable, que ce soit pour l’encenser ou la discréditer. Par quels mécanismes et canaux médiatiques une adolescente peut-elle devenir une figure mondiale ? Pour le comprendre, il est nécessaire de rembobiner : à quel moment la presse s’est-elle fait l’écho de l’action de Greta Thunberg pour la première fois ? En Suède ? En France ? Ailleurs ? Quels enseignements peut-on tirer de cette chronologie ?

L’été 2018 a été le plus chaud que la Suède ait connu. Alors, voyant arriver le jour de la rentrée des classes, Greta Thunberg décide de manquer l’école et d’aller, à la place, s’asseoir devant le parlement suédois, où elle promet de rester jusqu’aux élections générales du 9 septembre, avec un panneau « En grève pour le climat ».

Tweet d'Ingmar RentzhogSon action est alors relayée par plusieurs canaux. Elle-même l’évoque sur son compte Twitter. Le même jour, et c’est d’ailleurs ce qui lui sera reproché plus tard, un autre personnage se fait l’écho de l’action de la jeune fille : Ingmar Rentzhog, entrepreneur et cofondateur de la start-up We Don’t Have Time, réseau social consacré à l’environnement, et président du conseil du think tank Global Utmaning, lié à un programme du forum de Davos, précise Libération.

L’homme est particulièrement rôdé aux relations publiques. Dans la foulée de sa propre publication sur le combat de Greta Thunberg, une interview vidéo soignée et sous-titrée, format roi des réseaux sociaux, est publiée sur la page Facebook de sa startup. La presse se fait elle aussi l’écho de l’événement, avec un article très complet qui paraît dans l’Aftonbladet, journal suédois le plus lu de Scandinavie.

Célébrité nationale assurée

S’il ne fait aucun doute que le personnage lui-même, celui d’une écolière à l’air austère qui refuse d’aller à l’école et fait la morale aux adultes qui ont laissé le climat se détériorer sans rien faire, est l’archétype d’une bonne histoire pour les médias, Gretha Thunberg partait avec d’autres atouts dans la promotion de son combat. Par sa famille, d’abord. Gretha ThunbergSes parents sont tous deux des personnalités suédoises de premier plan, sa mère Malena Ernman étant une chanteuse d’opéra très connue en Suède, qui a même représenté le pays à l’Eurovision en 2009, tandis que son père Svante est acteur, auteur et producteur. Par son engagement, ensuite : en mai 2018, la jeune fille avait déjà remporté un concours d’essais organisé par le journal Svenska Dagbladet sur le climat, ce qui l’a mise en relation avec des activistes et scientifiques. À la croisée des deux, on trouvait justement dans les librairies suédoises en cette fin d’été 2018 un livre écrit par ses parents, racontant à la fois les difficultés rencontrées par Greta, diagnostiquée du syndrome d’Asperger, et le violent réveil à l’urgence climatique de la famille.

Si sa célébrité nationale est ainsi assurée, son histoire reste alors cantonnée aux médias suédois, en langue suédoise mais aussi pour les expatriés : The local, en langue anglaise, et Le Petit journal de Stockholm, en français.

Propagation internationale

C’est dix jours après, le 1er septembre, que l’histoire prend une tournure internationale. Le correspondant en Suède du journal britannique The Guardian livre un portrait très détaillé de la jeune gréviste. En octobre, elle fait l’objet d’une chronique dans le célèbre New Yorker.

La Voix du Nord est, à notre connaissance, le premier journal en France à parler de Greta Thunberg, avec un article publié le 4 septembre se basant notamment sur celui du Guardian.

Pour la suite, il faudra attendre un peu : même si Greta Thunberg continue son action devant le parlement et accroît sa renommée, avec un effet boule-de-neige sur les réseaux sociaux et des grèves du vendredi qui se propagent dans d’autres pays européens, ce n’est qu’au mois de décembre, quand elle est invitée à parler à la Cop24 en Pologne que son nom commence vraiment à émerger dans les médias. À cette occasion, l’Agence France Presse, qui nourrit de ses dépêches l’ensemble des médias français, lui consacre un portrait. Son action, la grève de l’école pour le climat, se propage à ce moment-là dans le monde entier.

Couverture de Time

C’est le début d’une envolée médiatique qui va mener la jeune fille jusqu’à la une du magazine Time, le 27 mai 2019, sous le titre « La future génération de leaders ». Aujourd’hui, son compte Instagram compte plus de 3 millions d’abonnés, et, lors de son voyage aux États-Unis à la rentrée 2019, elle est invitée par de nombreux médias, y compris par la célèbre émission le Daily show.


Suggestions pour la classe

Repérer l’émergence médiatique d’un phénomène peut être une bonne façon de comprendre l’écosystème de l’information. Pour travailler de cette façon, on peut par exemple utiliser l’outil « Actualités » de Google et le croiser avec la recherche par date en utilisant l’item « période personnalisée ». Cela permet de chercher un terme ou le nom d’une personne uniquement sur une semaine ou un mois (penser aussi à utiliser les guillemets pour chercher une expression exacte). De même, chercher un terme dans Google Trends permet de voir l’évolution des recherches liées à ce terme sur de plus ou moins longues périodes, et le comparer avec d’autres. À l’inverse du nombre d’articles présents dans Google Actualités, qui montre l’intérêt des médias pour un sujet, cet outil montre la curiosité des internautes sur ce sujet. On peut aussi effectuer ces recherches sur le réseau social Twitter.

Ressources

  • Audrey Garric et Anne-François Hivert, « Greta Thunberg, l’icône climatique qui déchaîne la vindicte », Le Monde, 28 septembre 2019.
  • Jacques Pezet, « La militante écolo Greta Thunberg récupérée par un pro du greenwashing », Libération, 8 mars 2019.

    Sophie Gindensperger, journaliste et cheffe de projet au CLEMI

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